
La
voiture qui devait remplacer la Traction avait fort à faire.
En effet, celle qui fut une des premières voitures à
utiliser les roues avant afin de faire passer la puissance au
sol, était devenue un mythe. La voiture qui succéda
à la Traction fût la DS, première voiture
à utiliser massivement l'hydraulique.
Présentée lors du salon de Paris en 1955, la DS
a surpris tout le monde par son design et ses nombreuses innovations.
Mais cela ne l'empêcha pas de rencontrer d'embléele
succès et de le maintenir jusqu'à la fin de sa carrière.
Aujourd'hui
la DS ne fait plus partie de notre paysage automobile. Pourtant
cette attachante voiture suscite toujours l'émotion lorsque
l'on en rencontre une dans la rue. La DS demeure par ailleurs
très prisée des collectionneurs et des amoureux
de la marque aux chevrons. Il n'est évidemment pas question
de parler de la DS comme d'une voiture récente, c'est pourquoi
il convient de replacer la DS dans son contexte.
Le projet qui aboutit à la DS débuta dans les années
30. La sortie de celle qui se nommait alors la VGD - pour véhicule
de grande diffusion - était prévue pour 1940 ! Au
départ, le projet VGD devait simplement remplacer la Traction.
Il n'était alors pas question de construire une voiture
aussi coûteuse et innovante que ne l'a été
la DS. La conception de la VGD avait été confiée
à la même équipe que celle qui avait conçu
la Traction, à laquelle il convient d'ajouter le nom de
Paul Magès. Ainsi, le style de la VGD fût confié
au designer maison: Flaminio Bertoni, père des Traction,
2 CV et Ami 6. Côté ingénieurs, Citroën
était doté de vrais génies. Ainsi le maître
d'uvre du projet était André Lefebvre, le
concepteur de la traction avant utilisée par Citroën.
L'hydraulique, quant à elle, fût confiée à
Paul Magès, inventeur des suspensions hydropneumatiques.
A cette équipe, il convient d'ajouter Né, le responsable
des freins à disques et Pierre Boulanger qui n'était
autre que le président de la marque aux chevrons. Ce dernier
était très ouvert aux innovations. Il incitait ses
ingénieurs à tester toutes leurs idées, même
les plus folles. Ainsi, lorsque l'équipe " Magès
" présenta un prototype de sa suspension hydraulique
sur la base de la " future " 2 CV, le 17 avril 1944,
Mr. Boulanger donna son feu vert afin de continuer les recherches
pour que de telles suspensions soient adoptées sur la VGD.
Pourtant cette première présentation ne fût
pas couronnée de succès. En effet, les suspensions
hydropneumatiques n'étaient pas encore au point, au niveau
de la fiabilité, du confort (le prototype souffrait de
tangages) et de la tenue de route. Toutefois, ce coup d'essai
laissait entrevoir un résultat prometteur. Mr. Boulanger
n'a pas adopté de telles suspensions sur la 2CV, car à
cette époque, il avait déjà été
décidé que cette dernière serait équipée
de batteur à inertie.
Si, au fil du temps, l'équipe Magés touchait au
but, Pierre Boulanger n'en vit jamais le résultat, celui-ci
s'étant tué à bord d'une traction équipée
d'un 6 cylindres qui devait équiper la future VGD.
Toutefois, de 6 cylindres, la DS n'en reçu point, à
l'exception du prototype ayant servit à mettre au point
la SM.

Boulanger mort, ce fût Robert Puiseau, patron de Michelin
- propriétaire de Citroën à l'époque-
qui reprit la relève. Après avoir consulté
André Lefebvre, en qui Puiseau avait une grande confiance,
ils décidèrent que certains points du projet VGD
devaient être modifiés, sans pour autant revenir
sur les grandes lignes. Dés lors, le projet VGD était
en marche vers la DS et le premier prototype fût présenté
le 1° décembre 1953. L'équipe Magès avait
particulièrement bien travaillé. En effet, non seulement
l'hydraulique commandait les freins et les suspensions, mais aussi
l'embrayage et la direction assistée ! Toutefois, si les
plus grandes innovations étaient signées Paul Magès,
les autres ingénieurs n'avaient pas à rougir. Ainsi
par exemple, la DS se passait de pédale de frein au profit
d'un champignon, le capot utilisait de l'aluminium, les portes
se passaient d'encadrements, le toit était en plastique,
la carrosserie entièrement démontable
Bref,
les innovations à bord de la DS étaient nombreuses.
Si l'histoire fît que la DS a été un "VGD",
à sa présentation elle apparaissait plus comme la
remplaçante des tractions 15-6 et 15-6 H ( cette dernière
ayant servit à tester la suspension hydraulique, les roues
arrières étant dotées de sphères).
La présentation officielle de la DS eut finalement lieu
lors du Salon de l'automobile de Paris en 1955. Le succès
fût foudroyant, les stands des autres constructeurs paraissant
quasiment vides face à celui de Citroën. Et pour cause
! En une journée, la DS mit un coup de vieux à toutes
ses concurrentes ! Ainsi, la Frégate de Renault semblait
être complètement hors d'âge. La 403, quant
à elle, semblait avoir 15 ans de plus que la moderne et
élégante DS, bien que cette dernière était
alors âgée d'à peine deux ans et que ses lignes
- qui semblaient accuser le poids des ans- étaient signées
Pininfarina !
La
ligne de la DS est fusiforme et très aérodynamique
comparée aux automobiles de son époque. Le pare-chocs
avant chromé intègre une "calandre" qui
accueille en son centre le support de plaque de police ! Si l'avant
paraît classique, c'est bien l'arrière qui surprend
le plus. En effet, il n'y a aucun décrochement visible
entre la malle et la lunette arrière. Le pare-chocs arrière
encadre les feux rouges ( feux de position et feux de stop) ainsi
que la plaque d'immatriculation. Enfin, les clignotants arrière
sont enfermés dans des cornets, qui ne sont en fait que
le prolongement de l'enjoliveur de toit. La surface vitrée
de la DS est particulièrement importante, conférant
ainsi une bonne luminosité à l'habitacle. A noter
par ailleurs, que les vitres avant et arrière sont bombées
et que les vitres latérales sont sans encadrement et si
cela paraît banal de nos jours, à l'époque
ce fût une grande première.
L'intérieur n'est pas en reste. La première planche
de bord - qui équipa la DS jusqu'en 1961- était,
à l'instar de la carrosserie, une uvre d'art signée
Bertoni. Si la finition paraît bien mince par rapport aux
standards actuels, cette planche de bord était, en 1955,
très innovante, utilisant même des matériaux
inédits dans l'automobile (comme le Nylon, le chlorure
de vinyle polyamide (PVC) ou encore le polyester
). Le volant
monobranche (encore une innovation apportée par la DS)
et la couleur ivoire de la planche de bord lui ont valu le qualificatif
de futuriste !

La
DS est réputée pour son grand confort. Si cette
réputation est due en grande partie à sa suspension
hydraulique, il convient de louer le confort des sièges
- qui font office de couchette à l'avant. La rumeur selon
laquelle les sièges Citroën sont accueillants ne date
pas d'aujourd'hui, ceux de la DS étant moelleux et confortables.
Côté habitabilité la DS n'a pas à rougir,
même face à des routières plus modernes. L'espace
aux jambes à l'avant comme à l'arrière est
excellent. Quant à la garde au toit, elle demeure correcte.
La DS n'était pas la préférée du "
grand " Général de Gaulle pour rien. Le coffre
est tout simplement géant, celui-ci affichant un volume
de 500 dm3. De quoi voyager chargé sans pour autant le
paraître, la magie de la suspension hydraulique permettant
à la DS de toujours garder la même assiette. On ne
verra donc jamais une DS pencher du cul ! Toutefois, si même
chargée, une déesse garde toujours la tête
haute, cette dernière aura tout de même à
rougir face au chronomètre.
En
effet, même à vide la DS 19 est lourde et les 75
ch de son 1,9 litres paraissent bien peu pour bousculer les 1150
kg de la demoiselle. Ce moteur dérivait directement de
celui utilisé par Traction 11D.. Si la DS peinera légèrement
en reprise (beaucoup à charge), cette dernière est
tout de même capable d'un bon 143 km/h, ce qui n'est finalement
pas trop mal pour une automobile de cette époque. Néanmoins,
au delà des performances, ce moteur s'apprécie avant
tout pour sa rondeur qui se marie à merveille, avec la
boîte de vitesses hydraulique et surtout avec le confort
général offert par la DS 19. La boîte de vitesses
est une boîte manuelle à 4 rapports dont l'embrayage
est commandé par l'hydraulique. Cette boîte, dont
les 2°,3° et 4° vitesses sont synchronisées,
s'accommode presque de tout les types de conduite.
Sous le volant se trouve un sélecteur de vitesses hydraulique
qui contient autant de cylindres qu'il y a de rapports. Le liquide
hydraulique entre dans le cylindre du rapport souhaité
assurant préalablement le débrayage, avant le changement
de vitesse. Il ne s'agit donc pas d'une boîte automatique
comme beaucoup le pense (des DS à boîte automatique
ont fait leur apparition en fin de carrière), mais d'une
boîte manuelle se passant d'embrayage. C'est si l'on veut,
d'une certaine façon, l'ancêtre des Selespeed et
autres Sensodrive, qui fleurissent aujourd'hui sur le marché.
En cas de besoin, il est possible de débrayer manuellement
grâce à un distributeur auxiliaire dont la commande
se situe sous le volant. Cette manipulation est censée
permettre de dégommer le moteur par temps froid, de remorquer
la voiture, de régler les culbuteurs voire même de
faire démarrer le moteur avec une bonne vieille manivelle
!
Pour changer de vitesse, il suffit de relâcher le pied de
l'accélérateur (lorsque le sélecteur se trouve
au point mort lors du passage de la 1° à la 2°),
sauf pour les rétrogradages, où il est possible
de garder le pied sur l'accélérateur.
Le principe de la boîte hydraulique est né avec la
DS, mais l'expérience a tourné court, puisque ce
type de boîte a disparu avec cette même déesse,
la CX étant principalement revenue à des solutions
plus classique, si l'on excepte la transmition C-matic.
La
Traction Avant était réputée pour sa très
bonne tenue de route. Il paraissait, à l'époque,
difficile de faire mieux. Pourtant la DS l'a fait! Grâce
à un châssis équilibré et surtout grâce
à sa suspension hydraulique - qui assurait un confort royal
pour l'époque- la DS semblait scotchée à
la route. Si les Citroën actuelles offrent un meilleur comportement
routier que la DS (heureusement d'ailleurs), il n'en demeure pas
moins qu'aujourd'hui encore la DS 19 affiche un confort de haut
vol et des prestations dynamiques honorables.

Le
principe de la suspension hydraulique est resté inchangé
depuis la DS. Un liquide (LHS rouge pour les premières
DS qui céda finalement sa place au LHM de couleur vert)
issu de l'accumulateur principal va compresser plus ou moins un
gaz contenu dans les sphères, en fonction du profil de
la route, de la charge et de la correction manuelle d'assiette
(depuis 1956).
Jusqu'en juillet 1960, la DS 19 disposait d'un système
dit de "la marche en ligne droite". Comme le laisse
supposer son nom, ce système permet de rouler en ligne
droite sans avoir à toucher le volant, le mécanisme
bloquant la direction sur le point zéro.
Enfin, il convient de souligner l'excellent rayon de braquage
de la DS, puisque 5m50 lui suffisent à faire un demi-tour,
manuvre qui est par ailleurs facilitée par une très
pratique direction assistée !
Le freinage de la DS est assuré par des disques ventilés
à l'avant et des tambours à l'arrière. Un
tel équipement associé au champignon permettent
d'assurer à la DS un excellent freinage comparé
aux voitures de son époque. Néanmoins, celui-ci
demeure difficile à doser, tant le champignon est délicat
à manier.
Telle que décrite, on pourrait croire que la DS était
une voiture parfaite. Loin s'en faut! Avant d'acheter une DS,
il convient de bien réfléchir au préalable,
car une telle voiture de collection demande un budget plus ou
moins important, selon que les propriétaires précédents
l'ont plus ou moins bien entretenue.
Certains problèmes étaient (et le sont parfois toujours)
récurrent sur les DS. Ainsi, en début de carrière,
les DS ont connu de nombreux soucis d'hydraulique. Il n'était
pas rare de voir une DS en position basse avec, sous la voiture,
une flaque de LHS (liquide rouge). En effet, le premier liquide
hydraulique utilisé était corrosif et avait tendance
à ronger les divers tuyaux, qui finissaient par libérer
le sang de cette déesse. Toutefois, si aujourd'hui la plupart
des DS ne rencontrent plus de tels soucis, il peut arriver que
ceux-ci se rencontre sur des modèles encore équipés
du liquide rouge.
Certains modèles rencontrent aussi des soucis de servo-direction.
En effet, à la longue cette dernière devient dure.
Souvent, ce phénomène s'accompagne d'une tendance
à tirer sur la droite ou sur la gauche. Cela est dû
à deux raisons: d'une part à un mauvais réglage
du point 0 sur la crémaillère et d'autre part à
une bague en tôle qui à tendance à se desserrer
! Le toit en plastique, armé sur les modèles antérieurs
à 1971 présente souvent des problèmes d'étanchéité.
La résolution de ce problème nécessite souvent
la dépose du toit dont le maintient est assuré par
17 boulons. Enfin nous ne serions vous conseiller de regarder
la tôle de très près, la déesse, comme
bon nombre de voitures de cette époque, ayant tendance
à rouiller. Ne vous laissez pas avoir par une belle peinture
toute neuve qui cacherait une automobile bouffée par la
corrosion ! N'hésitez à vous faire accompagner par
des spécialistes, si nécessaire.

Belle,
innovante et star du cinéma (qui ne connaît pas la
DS volante de Fantomas ou encore celle du " Cerveau "
qui fût coupée en deux !), la DS demeure néanmoins
une voiture de collection réservée à des
personnes ayant un minimum de connaissance mécanique, sous
peine de voir son budget automobile exploser. Mais comme on dit,
rien n'est trop cher pour une déesse
. Surtout si
elle est belle et attachante
..
Lectures
conseillées:
-L'album
de la DS de Jacques Borgé et Nicolas Viasnoff éditon
E.P.A
-Le
guide de la DS 19 1955-1966 de Fabien Sabatès édition
E.T.A.I
Fiche
Technique de la Citroën DS 19 (1955-1961)
|
Nombres
de cylindres: 4 en ligne |
Cylindrée:
1911 cm3 |
Puissance
fiscale: 11 CV |
Puissance
maxi: 75 ch à 4500 tr/min |
Couple
Maxi: 14 mkg à 3000tr/min |
Alimentation
: Carburateur Double Corps Compound Weber ou Zenith 24/30EEAC |
Vitesse
Maxi: 143 km/h |
Poids:
1170 kg |
Pneumatiques:
165x400 à l'avant et 155 x 400 à l'arrière |
Boîte:
hydraulique à 4 rapports |
Prix:
14 177€, neuf en 1955 (930 000 ancien F) |
Hatem Ben
Ayed alias Ramses2
(reproduction
interdite)
20/09/2003
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